Même en difficulté, les vignerons bio français ne sont pas prêts à autoriser l’usage des phosphonates, contrairement à leurs homologues allemands qui en font la demande. Pour les opposants français, l’enjeu est la crédibilité et l’intégrité du label bio.
L’année 2024 a mis à rude épreuve de nombreux vignerons bio. Albin Martinot, vigneron à Bar-sur-Seine, dans la Côte des Bar (Aube), illustre bien ces difficultés. « Nous avons apporté 5 kg de cuivre par hectare en 27 passages, et pour quel résultat ? 12 hectolitres par hectare en moyenne sur nos 6,5 hectares », témoigne-t-il. Et pourtant, il ne regrette pas sa conversion au bio, engagée en 2021.
Avant son passage au bio, il utilisait des phosphonates pour protéger ses vignes contre le mildiou. « J’essayais déjà de limiter les phytosanitaires en intégrant du biocontrôle. J’associais des phosphonates à du folpel, un fongicide de contact, pour profiter de leur effet stimulant et de leur action systémique. Ce n’était pas aussi efficace qu’un produit systémique conventionnel, mais ça marchait », explique-t-il.
Malgré leurs difficultés, la majorité des vignerons bio français s’opposent à l’intégration des phosphonates dans le cahier des charges du label biologique. « Ce serait plus facile s’ils étaient autorisés en bio ! Cela ne me choquerait pas dans la mesure où ce ne sont pas des produits dangereux. Mais le fait qu’ils soient obtenus par synthèse me semble incompatible avec le label », reconnaît Albin Martinot.
Les phosphonates (phosphonate de potassium, disodium phosphonate) constitue une alternative au cuivre particulièrement intéressante compte tenu de leur efficacité. Les phosphonates sont des sels de l’acide phosphoreux, issus de roches phosphatées), bien que moins nocifs que certains produits conventionnels, restent des substances de synthèse. Leur introduction dans la viticulture biologique risquerait de brouiller le message porté par le label bio, qui repose sur une démarche globale de respect de l’environnement et de limitation des intrants de synthèse.
Cette position française contraste avec celle de certains vignerons allemands, qui plaident pour leur autorisation dans le bio afin de mieux lutter contre les maladies de la vigne. Le débat est donc loin d’être clos, et la question de l’évolution des pratiques en agriculture biologique reste un sujet sensible en Europe.
Pour les vignerons bio français, il s’agit avant tout de préserver la cohérence et la fiabilité du label. « On ne peut pas faire n’importe quoi avec le label », résumait un autre vigneron lors d’une réunion professionnelle récente.